
Le webmarketing expliqué à ma fille de 8 ans
Chaque année, le jour de la rentrée des classes, nos enfants vivent un moment gênant. Ils doivent répondre à une question anodine : « Qu’est-ce qu’ils font tes parents ? ». En général, les enfants savent répondre assez facilement à cette question : « Mon papa est plombier, ma maman est architecte » ou « Mon papa est ouvrier, il fabrique des trains, ma maman a un salon de coiffure ». Bref, généralement, ces choses sont assez claires dans la tête des enfants.

Chez nous, les choses sont moins évidentes, nous travaillons de chez nous, sur ordinateur. On ne produit rien de palpable, on ne voit jamais nos clients, ni nos confrères… Difficile dans ces conditions de comprendre ce qu’on fait.
Naturellement, nous avons déjà essayé de leur expliquer plusieurs fois : « Nous faisons en sorte que les gens visitent nos sites web (et ceux de nos clients) afin qu’ils achètent des produits ou qu’ils demandent des devis. » Mais tout ça est très abstrait pour des petits de 6 et 8 ans… Déjà un « site web », c’est une notion très vague pour eux. Il faut dire que YouTube, Facebook, Netflix et les applications mélangent les genres. Nous avons pourtant tenté d’expliquer les choses simplement plusieurs fois, avec différents exemples, sans grand succès hélas.
Du coup, la réponse donnée par les enfants est « Papa et maman travaillent à la maison, sur l’ordinateur.«
Certes…
Personnellement, je dirais plutôt que nous sommes « Webmarketer ». Voici la définition du webmarketing selon Wikipédia :
Le webmarketing consiste à améliorer la visibilité et le trafic d’un site Web en utilisant internet comme canal de prospection et à développer une relation durable (fidélisation) avec les internautes utilisateurs ou clients d’un site web et éventuellement des médias sociaux mise en place par le site internet.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Webmarketing
Le concours de dessins de l’école
Hier, ma fille a enfin compris ce que nous faisons et pourquoi c’est important. C’est arrivé par un moyen assez improbable : un concours de dessins organisé par l’école.
Le principe est très simple : chaque élève peut faire un dessin sur le thème des « Fallas de Valencia » (le carnaval de notre ville). Le style et les moyens employés (crayons de couleur, feutres, paillettes, gommettes…) sont libres, il faut juste le faire sur une feuille blanche A4. Il y a 3 tranches d’âge :
- Les petits, de 3 à 5 ans
- Les moyens, de 6 ans à 8 ans.
- Les grands, de 9 à 12 ans.
Les dessins sont exposés pendant quelques jours à l’entrée de l’école et chaque parent peut voter pour 3 dessins. Le gagnant est le dessin qui a obtenu le plus de votes.
Ma fille adore ce genre de compétition, elle a donc travaillé soigneusement sur son dessin la semaine dernière, elle l’a même recommencé plusieurs fois pour qu’il soit le plus beau possible.
En apparté : L’élément intéressant de son dessin c’est qu’elle y avait inclus le coronavirus avec le message « Rien n’arrêtera les Fallas ! ». Malheureusement, c’est raté, les Fallas ont fini par être annulées mercredi par la mairie 🙁
L’exposition
Avant-hier, les dessins ont été exposés comme prévu, ma fille m’a donc tiré par la main pour que j’aille voter pour elle. En arrivant devant le tableau d’exposition, je lui ai dit : « Tu ne gagneras pas », comme ça, simplement et directement, sans méchanceté. C’était un fait.

Du coup, un peu surprise, elle m’a demandé : « Pourquoi ? Il n’est pas beau mon dessin ? ». Alors je lui ai expliqué :
« Ça n’a rien à voir, ton dessin est très joli. C’est juste qu’il est mal placé. Regarde il est tout en haut (à plus de 2 mètres de hauteur), même moi qui suis grand et qui ait une bonne vue, j’ai du mal à le voir. En plus il est dans un coin, tout à droite, un peu caché par la décoration. Etant donné que les gens ne peuvent pas le voir, ils ne voteront pas pour lui. »
Comme ma fille n’est pas idiote, elle a compris immédiatement le souci.
Évidemment, ça aurait été mal vu d’échanger la place des dessins devant les organisateurs, les élèves et les autres parents, nous avons donc laissé les choses en place, tout en sachant que le concours était quasiment mort pour elle.
Ce que les gens voient
En gros, voici ce que les gens de taille moyenne voient lorsqu’ils sont devant le tableau et qu’ils regardent rapidement les dessins. Les dessins situés en haut ne sont pas vus :

A l’inverse, il y a une « zone chaude », dans laquelle les dessins sont particulièrement visibles : au centre du tableau, à hauteur des yeux :

Notre métier, c’est de rendre les choses visibles
Du coup, sur le chemin du retour, j’ai enfin pu expliquer concrètement à ma fille ce que nous faisions : notre travail c’est de faire en sorte que les dessins de nos clients soient visibles, afin que les gens votent pour eux. Par exemple, nous essayons de faire en sorte que leurs dessins soient affichés le plus près possible de la zone verte.
Cette fois-ci, c’était la bonne ! Elle avait parfaitement compris l’intérêt et l’importance de notre travail.
Bonus : quelques optimisations pour être plus visible
J’ai remarqué que les dessins dont les bords étaient repassés au feutre noir et ceux dont les couleurs étaient très vives se distinguent nettement des autres. Ils attirent directement le regard et ont donc plus de chance de récolter des votes :

En fait, idéalement, je pense qu’il aurait fallu colorier un cadre de 2 cm sur chaque bord de la feuille, pour que le dessin se distingue vraiment des autres.

Évidemment, dans ces conditions, les choses seraient nettement moins « naturelles », on ne fait plus les dessins pour qu’ils soient beaux, mais pour qu’ils engrangent un maximum de votes. Ce n’est pas l’artiste qui fera le plus beau dessin qui gagnera mais le marketer qui saura le rendre le plus visible possible…
Alors, les artistes sont-il condamnés à perdre les concours de dessins tandis que les webmarketers les gagnent à chaque fois ? En fait non car ce système a des limites, si tous les enfants se mettent à optimiser leurs dessins pour augmenter leurs chances de récolter des votes, ils finiront par avoir tous le même dessin, ce qui fait qu’il ne se distingueront plus les uns des autres.
Des clones.

A noter : Toute ressemblance avec l’état actuel du web n’est pas du tout fortuite.
Dans cette situation de standardisation généralisée, les artistes peuvent prendre un vrai avantage grâce à leur originalité, ce qui les différencient nettement des copies optimisées des marketers.
La combinaison gagnante, c’est probablement d’être un artiste talentueux, produisant des œuvres sincères, tout en tenant compte des contraintes marketing pour être visible par le public. Un sacré exercice d’équilibriste 😉
Je pense que c’est ça qui distingue les bons et les mauvais webmarketers : c’est leur capacité à mettre en avant une chose, tout en respectant sa nature. Pas facile non plus 😉
PS : Comme en France,les écoles de Valencia seront fermées pour une durée indéterminée à partir de lundi, à cause du coronavirus. La vie est bien terne en ce moment… J’espère que cet article aura mis un peu de couleur dans votre journée. Portez-vous bien.
3 Replies to “Le webmarketing expliqué à ma fille de 8 ans”
Merci François, dit comme ça, effectivement, maintenant (même si j’avais déjà saisi ce que vous faisiez) je pourrais l’expliquer plus clairement. Bonne continuation à vous deux. bises
Bravo pour cet article, je viens de decouvrir votre blog, je vais me regaler a tout lire.
Bonne continuation et portez vous bien.
Merci beaucoup et bonne lecture 🙂